La Fièvre
Je me sentais lasse. Je projetais de travailler l’instrument, mais je n’arrivais pas à me décider. Pourquoi mon corps ne voulait-il pas ? Il fallait peut-être extirper tout simplement les mauvais esprits de mon corps. Respirant profondément avec mes mains placées au creux de l’estomac, je répétai des exercices de Katsugenunndo (mouvements régénérateurs du corps) mais cela me fatiguait. J’avais froid et frissonnais. Me couchant sur le sofa, je me couvris d’une couverture, mais rapidement j’enfilai en plus un pull-over et un manteau. Malgré ce complet emmitouflement, je ne ressentais aucune chaleur. Mes orteils restaient froids. Les réchauffer dans de l’eau chaude aurait été bon, mais je n’avais pas le courage de m’en occuper. Ma fille venait de rentrer. Je lui ai demandé de m’apporter une couette supplémentaire. Elle me répondit « Pourquoi ne montes-tu pas réellement te reposer ? » Soit, mais je n’avais aucune envie de bouger. Finalement, avec la couverture et la couette, j’ai commencé à me sentir mieux. Restant sans bouger, peu à peu je sentis une amélioration.
Aujourd’hui, 11 novembre, on fête l’anniversaire de mon fils à la maison avec un jour de retard. Ce jour, en commémoration de l’Armistice, est un jour férié en Belgique. Par ailleurs, le lendemain était un vendredi et la plupart des écoles faisaient le pont ce qui engendrait un congé de 4 jours consécutifs. Mon fils me demanda « Puis-je, s’il te plait, fêter mon anniversaire ici avec les copains et peuvent-ils rester? ». Comme je devais retourner au Japon le samedi suivant, j’ai accepté.
Cela ne me pose pas de problème que ces jeunes viennent chez moi. Ils sont tous adorables.
Néanmoins, à cet instant, je n’aurais pu imaginer faire un si long voyage au Japon. Je ne me sentais même pas capable de monter me mettre au lit. Ainsi, jouer du violon dans ces conditions me paraissait une tâche insurmontable d’autant plus que dès mon arrivée se succèderaient des répétitions et des concerts.
Mon mari était anxieux estimant que mon emploi du temps était beaucoup trop serré. Bien sûr, mais ce fait est lié à ma volonté de rester aussi longtemps que possible avec ma famille avant de partir de même que de revenir sans tarder. Ainsi, jusqu’au dernier moment, j’essaie toujours de donner cours. Mais, aujourd’hui, si j’envisageais de tenir compte de la réception de mon fils et de travailler mon instrument, mon corps me criait son incapacité. C’était mon excuse. En dépit de mon état, mes enfants sont sortis hier. Mon fils a rejoint ses amis pour fêter son anniversaire comme il le fit trois années consécutivement et ma fille partit à une autre réception. En s’habillant elle dit « je vais à une réception, pendant un pont, c’est rare » Frissonnante, je ne me sentais pas concernée. C’était comme si mon cerveau était vide. Par contre, avec de la fièvre j’avais chaud comparativement au jour précédent.
Lorsque mon fils revint du cinéma avec ses amis, je suis finalement montée me coucher. Chaudement couverte, c’était bon d’être au lit. Je sentais la chaleur au plus profond de mon corps. Mais, « Maman se sentait brûlante ». J’ai pris ma température qui était de 38,6 °C. Toutefois du côté droit ma température n’était que de 37,7 °C. Ce n’est pas courant de constater une telle différence de température entre les côtés gauche et droit. Pas étonnant que mes yeux soient larmoyants. J’avais mal au cou et dans toutes les articulations. Mais j’avais chaud, couchée dans ma chambre et j’entendais les rires et le bruit de tout le monde. A ce moment je pensais qu’il ne serait pas déplacé d’annuler mon voyage au Japon et de rester chez moi.
J’ai dû m’endormir environ une heure même si je devais préparer la réception des enfants. Mais, pratiquement tous les ingrédients avaient été achetés et préparés la veille. Ma fille avait fait des roulades de sushi, j’avais frit du poulet ce qui avait pris une heure et mon mari avait apporté un gâteau qu’il a cuit pour la première fois.
J’ai vu mon fils souffler les bougies, coutume habituelle, arranger les couchages nécessaires pour que tous puissent dormir en bas et je retombai endormie en entendant les rires de chacun.
Le jour suivant ma fièvre avait disparu. Finalement, j’avais assisté hier à la réception dont j’aurais pu envisager l’annulation. Je me sentais nettement mieux, bien que légèrement engourdie. Peut-être pouvais-je quand même aller au Japon si cet état persistait. Tout s’était rétabli après avoir subi une dernière poussée de fièvre.
Le samedi suivant, je montais dans l’avion comme si rien ne s’était passé.
Si je n’avais pas eu de fièvre, j’aurais pu m’angoisser, boire un verre sans en avoir envie et lire sans m’arrêter.
Dans l’avion, j’ai rencontré une dame âgée très intéressante. J’engage rarement une conversation avec une personne assise à côté de moi. Comme nos emplois du temps s’accordaient, nous avons poursuivi notre conversation et voyagé ensemble jusqu’à l’arrivée à destination desservie par un bus limousine.
Une rencontre imprévue est intéressante Lorsque je suis en forme, rencontrer une personne connue ou non me ravit. J’étais heureuse d’avoir retrouvé une bonne condition, car cela améliore la qualité des contacts.
J’ai commencé le Katsugenunndo (mouvements régénérateurs du corps) à Bruxelles. Cette technique est pratiquée avec des personnes débutantes et même des bébés. Dans le passé, j’imaginais que cette pratique pouvait affecter ma manière de jouer.
Je ne suis évidemment pas une professionnelle de cette discipline, mais vivre seule à l’étranger est difficile. Ne pouvoir contrôler sa condition physique affectée par des décalages horaires ou subir l’influence de l’air conditionné, comme en septembre aux Etats-Unis, n’est pas évident. Pensant à mes étudiants, je serais ravie si mon Katsugenunndo pouvait leur être d’une quelconque utilité.
La sensation du yuki (traitement manuel) est comparable à la justesse du son émis par un instrument. De même que quelques dixièmes de millimètres influencent la tessiture d’un son, le corps peut s’en trouver modifié. C’est intéressant, non ?
Bruxelles